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Imaginaire n°634
lundi 15 avril 2024
inspiré par
“Les chiens de garde”
de Paul Nizan     
 
Il y a des chiens mythiques habitants nos légendes.
 
GARM
 
La terre a tremblé, le ciel tout à l’heure si bleu et si chaud, est devenu gris ; d’un gris noir, triste et annonciateur de tant de malheurs, le vent s’est levé, il transporte au loin les angoisses. Les humains en ont l’habitude.
En bas d’une falaise, un homme mûr et un jeune garçon marchent à la recherche de quelque chose.
— Tu as senti Helios ?
— Oui, j’ai senti.
— Je crois que nous sommes sur le bon chemin.
— Vous pensez qu’on a une chance de passer ?
— Avec la prière que Lognår m’a donné on devrait pouvoir.
L’homme qui accompagne Hélios, son tout jeune arpète, semble tout de même un peu inquiet.
Lektrios connaît la réputation de Garm, ce chien des enfers, qui selon la légende colportée par certains druides vikings lors de leurs expéditions de ravitaillement... aurait dévoré Cerbère lui-même.
— Lognår est un érudit après tout, monsieur.
— Certes, certes. Il a beau être resté à Athènes après leur dernière razzia, la confiance est tout de même quelque chose de fragile, Helios.
L’adolescent regarde son précepteur avec cette fois un œil soucieux.
— Mais, vous voulez dire qu’il y a un risque ?
Le pédagogue regarde amicalement le jeune garçon et lui tapote l’épaule paternellement.
— Non... je disais cela comme ça. Mais Lognår est un homme de confiance, un sage !
Helios sourit, il se remémore le dernier anniversaire du druide.
— Sage, mais... quelle descente !
— Bah, il ne connaissait pas le retsina, sourit aussi Lektrios.
Soudainement, ils se figent.
— Vous avez entendu ?
— Oui, une sorte de respiration aberrante.
L’homme se met à genoux face à une anfractuosité au bas de la falaise. Helios l’imite, silencieux.
— Vous croyez que c’est lui ?
L’enseignant se penche à l’oreille du garçon.
— Je crois... oui.
— Comment allons-nous entrer... il n’y a pas la place.
— Je suis sûr qu’il y a un passage...
— Vraiment ?
Lektrios se relève et tâtonne la roche. Quelques instants plus tard, il tourne une tête joyeuse vers son élève.
— Tiens ! murmure-t-il.
Il fait bien attention, car il ne faudrait pas réveiller la bête qu’ils ne voient pas encore, mais dont ils entendent le ronflement et distinguent son remugle atroce.
Le professeur pousse à un endroit de la roche, qui meut alors une sorte de porte, laissant apparaître un passage vers le bas.
Helios a presque sursauté.
— Mais, cela va réveiller Garm ?
Lektrios se penche légèrement et tend l’oreille.
— Ça va... à entendre son concert privé... il dort toujours. Nous pouvons descendre... en silence tout de même, ajoutant son index perpendiculairement à ses lèvres.
Un escalier en pierres grossièrement taillées les attend. Précautionneusement, ils entament leur descente.

***

Alors que Lektrios, face à la bête gigantesque qu’il a en face de lui... à bonne distance quand même, sort son “livre de réflexions” ; il ne remarque pas l’œil mauvais, injecté de sang, qui vient de s’ouvrir lentement, et le dévisage.
L’homme, la tête baissée sur son cahier, tourne les pages, fébrilement.
C’est Helios qui soudainement s’en aperçoit. Dans un cri d’effroi, il casse bruyamment le silence.
Son précepteur a à peine le temps de se jeter à terre pour échapper à l’une des pattes énormes du chien.
Fort heureusement, Garm est bien attaché avec une solide chaîne qui le retient à la caverne. Cette entrée des enfers, que Lektrios et Helios ont tant cherchés.
— Je l’ai échappé belle. Merci Helios !
— Vous avez trouvé la prière, monsieur ?
— Oui, je venais de la retrouver dans mes notes.
Il se relève, confronté à l’animal mythique, bavant et grognant.
Il commence à lire :
“Fart das lops-ni, Garm, jian pes nefrems, ij darn il ratrop los mis blouks es tan morn tu es tan orlik k’iarn’a as no ij to haless es tan him.”[1]
Le chien se tait d’un coup, il dodeline de la tête et tombe dans un sommeil profond.
Helios, jusqu’alors tendu à l’extrême, ne peut pas retenir plus longtemps un cri de soulagement.
— Ouiiiiii !
— Allons, mon jeune arpète, ne perdons pas notre temps.
Il s’approche tranquillement de la bête, lui tire un poil, qu’il réussit à couper de son épée. Le poil est si épais qu’il a l’allure d’une grosse corde brune.
Soulager d’avoir réussi sa quête, il s’assoit, le dos contre le ventre de Garm, inoffensif.
— Eh bien tu vois, Helios... je vais pouvoir enfin, grâce à ce poil, m’ouvrir les portes des enfers, et Charon n’y pourra rien y redire.
— Puis-je vous accompagner, monsieur ?
— Non, tu vas m’attendre ici, tu vas tenir compagnie à notre ami.
Ce disant, il tapote le corps endormi.
— Mais... mais ?
Helios regarde son professeur, un rien inquiet.
— Ne t’inquiète pas... il ne se réveillera que quand je, et moi seul, prononcerai son nom. Profites-en pour réviser ce que je t’ai donné à notre départ.
— Bien monsieur.
Lektios se lève, remet son baluchon sur l’épaule, fait un signe à Helios, qui le voit s’évanouir dans la pénombre du couloir descendant vers le Styx.

[1] “Par ces mots-ci, Garm, chien des enfers, je t’ordonne de retourner dans les brumes de ton sommeil et de ton oublie jusqu’à ce que je te réveille de ton nom.”